Dans une Afrique où les enjeux économiques sont devenus des terrains d’affrontements feutrés mais redoutables, le Cameroun fait évoluer ses priorités stratégiques. Du 30 juin au 6 juillet 2025, la Direction Générale de la Recherche Extérieure (DGRE) a organisé une formation de haut niveau consacrée à l’intelligence économique. Pour cette session jugée « stratégique », elle a fait appel à Dr Guy Gweth, l’un des experts les plus réputés du continent en matière d’investigations avancées et de guerre économique

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Une montée en puissance discrète mais assumée
Dans les cercles d’influence, peu doutent aujourd’hui que la guerre économique est la forme la plus pernicieuse de conflit moderne : influence informationnelle, prédation d’actifs, espionnage industriel, manipulation de marchés, contrôle des ressources critiques… Les États africains deviennent des cibles — et parfois des relais — dans des rapports de force qui ne disent pas leur nom.
Le Cameroun, qui subit comme d’autres nations la pression des compétitions géoéconomiques, a décidé de ne plus se contenter d’une posture défensive. La DGRE, bras armé extérieur du renseignement camerounais, se dote désormais des compétences nécessaires pour anticiper, détecter, et neutraliser ces menaces invisibles.
Au-delà de l’ombre : La DGRE à la lumière des enjeux économiques
Longtemps associée à la veille politique et sécuritaire classique, la DGRE est reconnue pour son excellence opérationnelle dans des domaines plus confidentiels. Cependant, la nature des conflits a évolué. Aujourd’hui, les terrains de conflictualité économique sont devenus prioritaires : désinformation ciblée, opérations d’influence insidieuses, concurrence déloyale autour d’actifs stratégiques, captation de données sensibles, et encerclement normatif. Ces menaces invisibles requièrent une nouvelle forme de renseignement.
Le Directeur Général de la DGRE l’a affirmé sans détour lors de l’ouverture de la session : « La Direction Générale de la Recherche Extérieure, en tant que service de renseignement au service de l’État, se doit d’être à l’avant-garde de cette évolution. Notre rôle traditionnel de veille et d’anticipation doit désormais intégrer pleinement une dimension d’intelligence économique, orientée vers la protection des intérêts stratégiques de notre nation. » Cette déclaration, publique et affirmée, contribue à démystifier la mission de la DGRE et à en faire un acteur directement lié à la prospérité nationale, une perception nouvelle et cruciale pour l’adhésion publique.
La formation a permis d’initier les participants à l’analyse des offensives économiques contemporaines, à leur traduction concrète sur le continent africain et au Cameroun, ainsi qu’aux outils permettant d’y répondre efficacement. Le développement d’une doctrine nationale, adossée à une stratégie claire, une politique publique cohérente et un plan d’action opérationnel, y a occupé une place centrale. Les agents ont été formés à l’organisation d’une veille stratégique à 360°, à la structuration d’un dispositif d’intelligence économique propre à l’État, et à la production de contenus analytiques directement exploitables par les décideurs, le tout en parfaite cohérence avec les réalités locales et les exigences d’un État-stratège
Cette démarche s’inscrit dans un programme de renforcement des capacités des acteurs publics et privés africains plus large porté par le CAVIE, depuis 10 ans. Une décennie durant laquelle le Centre s’est imposé comme un acteur de référence en matière de souveraineté informationnelle sur le continent, avec des partenaires allant de la Présidence togolaise à la Chambre de commerce du Burkina Faso, en passant par des firmes stratégiques telles que le Port Autonome de Douala ou le groupe SABC.
Guy Gweth, figure centrale de l’intelligence économique africaine
Derrière cette montée en puissance, un nom revient avec insistance : Dr Guy Gweth. Membre de la House of Public Affairs de PSL, fondateur de Knowdys Consulting Group, responsable du programme Doing Business in Africa à CentraleSupélec et l’EMLyon, l’homme est l’un des architectes de la pensée stratégique du continent africain. Co-directeur de l’ouvrage collectif « L’intelligence économique en Afrique », le professeur Christian Abolo Mbita, représentant du Ministère du Plan et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT), a exprimé son plaisir de se retrouver à quelques mètres du Dr Guy Gweth, « un des pionniers de la discipline en Afrique qui rayonne à l’international » et conseille depuis plus d’une décennie gouvernements, entreprises, et institutions sur les questions de due diligence, de diplomatie économique, de géoéconomie, de contre-influence et d’intelligence stratégique.
Sa désignation par la DGRE n’est pas anodine : elle traduit une volonté politique claire de se doter de moyens d’action offensifs dans l’arène économique mondiale. Elle traduit également la volonté de l’Afrique de faire confiance à l’Afrique. À l’ouverture, pendant les travaux, comme à la clôture, le directeur général de la DGRE a tenu à rappeler que le Dr Guy Gweth est, une « une valeur sûre du Cameroun (…) un prophète chez lui. » Il a poursuivi en rappelant au Dr Gweth combien l’État du Cameroun compte sur son expertise et l’appui technique de CAVIE Cameroun pour la création imminente et la réussite du Centre national d’intelligence économique et stratégique (CNIES) dans le pays. « Nous souhaitons également, a-t-il déclaré, que le CAVIE nous accompagne dans la structuration progressive du CNIES, en partageant son expérience des meilleures pratiques continentales et internationales. »
Une souveraineté à l’africaine en construction
Dans un monde où l’accès à l’information vaut autant que l’accès aux matières premières, le renseignement économique devient un levier de puissance. Le cas camerounais est emblématique d’un tournant que prennent plusieurs pays africains : celui d’un réveil stratégique face à la guerre économique globale. Le défi reste immense, mais le signal est fort : le Cameroun ne veut plus être le théâtre des influences invisibles, il entend y peser.