Yagoua, Mayo-Danay – Les récentes inondations qui ont ravagé la région de l’extrême-Nord ont mis à genoux de nombreuses familles, mais ce sont les femmes qui en subissent le plus durement les conséquences. Déjà fragilisées par un contexte socio-économique précaire, elles se retrouvent aujourd’hui sans abri, sans revenus et contraintes de faire face à une situation humanitaire critique.
Un reportage de Sira Avalaye
Marthe Falaina, veuve de 35 ans, est l’un des nombreux visages de cette catastrophe. Sa maison, engloutie par les eaux, et ses cultures de mil, totalement détruites, l’ont obligée à errer de refuge en refuge avec ses trois enfants. Le désespoir dans sa voix est perceptible, au moment où elle se confie à nous.
Je suis obligé d’aller chez des frères pour vivre, mais je ne peux pas rester longtemps parce que je ne peux pas imposer la charge de mes enfants et la mienne à quelqu’un. Je change de domicile chaque 2 à 3 semaines pour qu’ils ne ressentent pas le poids de ma présence. Je vais faire comme ça jusqu’à ce ma maison soit à nouveau sèche.
Marthe Falaina, veuve de 35 ans, victime de la catastrophe à Yagoua.
Bilkissou, petite commerçante, a également tout perdu. Son étal, situé sur le marché partiellement inondé, a été emporté par les flots. Pour nourrir sa famille, elle est désormais contrainte de vendre quelques denrées alimentaires de porte à porte.
C’est devenu difficile pour nous les vendeuses. On s’est toutes regroupées au même endroit c’est devenu compliqué d’avoir même 500 FCFA la journée. Je dois aider mon mari à payer la scolarité de mes filles sinon seul, il ne le fera pas et je ne veux pas qu’elles viennent vendre au marché avec moi. Donc je suis obligé de trouver des moyens pour écouler ma marchandise pour espérer que mes filles soient scolarisées, surtout celle qui doit passer le CEP cette année.
Bilkissou, victime de la catastrophe à Yagoua.
Ces inondations ont un impact sur l’éducation des jeunes filles, déjà fragilisée dans cette région. Amadou moto-taximan, père de famille, a dû prendre une décision difficile : celle de fuir le domicile conjugal pour vivre chez son ami, et d’envoyer ses femmes chez leurs parents respectifs avec leurs enfants.
J’ai envoyé mes 3 femmes et mes enfants chez leurs parents respectifs et moi je vis désormais chez mon ami. Je n’ai plus les moyens de nourrir ma famille. Malheureusement, mes enfants ne pourront pas aller à l’école cette année.
Amadou moto-taximan, victime de la catastrophe à Yagoua.
Père de 12 enfants dont 5 filles en âge d’être scolarisées, ce père de famille ne cache pas son souhait de voir ses jeunes progénitures aller en mariage afin de lui alléger la charge.
La situation est très difficile et donc il faut prendre des décisions difficiles également. Mon souhait est que cette année si je peux envoyer 2 de mes filles en mariage, ça me permettrait de compenser la perte de mes champs et peut être de scolariser mes garçons pour l’année prochaine. C’est aussi pour leur bien à elles.
Amadou moto-taximan, victime de la catastrophe à Yagoua.
Les femmes et les jeunes filles de la région du Mayo-Danay sont particulièrement exposées aux risques liés aux catastrophes naturelles. Leurs tâches quotidiennes, liées aux travaux agricoles et aux soins de la famille, les obligent à passer beaucoup de temps à l’extérieur. De plus, les inégalités sociales et les normes culturelles limitent leur l’accès aux ressources et aux décisions, les rendant plus vulnérables face aux crises.

Des initiatives locales pour venir en aide
Face à cette situation dramatique, des initiatives locales commencent à émerger pour soutenir les femmes sinistrées. Ces initiatives d’élites locales ou même des organisations humanitaires apportent une aide alimentaire, et tentent de reconstruire les infrastructures endommagées. Cependant, les besoins restent immenses et un soutien à plus grande échelle est nécessaire pour permettre à ces femmes de se relever.