Pour la féministe et activiste, le 8 Mars est un jour dédié à la femme, pas seulement pour des rassemblements festifs mais pour réfléchir ou pour amener la femme à réfléchir sur sa condition.
Annie Tchoko est camerounaise, fondatrice Adefer femmes rurales et Coordonnatrice United4cameroon en charge des droits de la femme. Ses combats ; elle les mène sur le terrain comme sur le digital, peu importe la nature, mais avec beaucoup plus de hargne lorsqu’il s’agit des préoccupations liées à la condition féminine.
La militante des droits de la femme conçoit très mal le fait que la journée du 8 Mars soit encore dans son pays natale, considéré comme une journée de réjouissance, avec notamment l’expression locale : « Soulever les Kaba » ; une expression qui renvoie à la déviance, et à la sous-valorisation de la femme.
Pour Annie Tchoko, cette façon de voir les choses devrait être imputé au gouvernement camerounais qui jusqu’ici, ne réussit pas à bien canaliser l’aspect festif de cette journée : « depuis des années, le gouvernement a axé sa politique sur le port des pagnes, cette journée est considérée comme une journée festive où la femme doit porter le pagne, un pagne spécial choisi et commercialisé à cet effet. Après avoir défilé, elles doivent aller boire un verre avec des amies pour célébrer leur liberté, elles sont libres ce jour, car ce jour leur appartient ».
Célébration du 8 Mars : Une essence baffouée au Cameroun
La journée internationale des droits des femmes trouve son origine dans les manifestations des femmes au début du 20 e siècle en Europe et aux états unis, alors que des femmes réclamaient les meilleures conditions de travail et le droit de vote.
Ce n’est qu’en 1975 que l’organisation des Nations unies a commencé à célébrer cette journée et depuis lors, elle est devenue une journée de rassemblements à travers le monde et l’occasion de faire un bilan sur la situation de la femme.
En Afrique et particulièrement au Cameroun, le volet festif de la journée a toujours été mis en avant au détriment du volet des revendications des droits. Une occasion pour Annie Tchoko, de tirer la sonnette d’alarme : « effectivement le 8 Mars est un jour dédié à la femme, pas seulement pour des rassemblements festifs mais pour réfléchir ou pour amener la femme à réfléchir sur sa condition. Nous militons pour une journée internationale des droits de la femme et non une journée des pagnes de la femme. »
Selon la militante des droits de la femme, le cas du Cameroun est beaucoup plus inquiétant.
« Parlant du Cameroun, la femme est confrontée à des difficultés majeures : la pauvreté, les violences conjugales, la cybercriminalité, le danger des réseaux sociaux, les mariages précoces, la hausse des grossesses précoces, les viols et assassinats, la faible participation politique et citoyenne. »
Le gouvernement doit jouer son rôle.
En guise de recommandation, Annie Tchoko préconise que l’Etat du Cameroun encadre cette journée de réflexion.
« Pour l’avenir, nous interpellons le gouvernement camerounais et la société civile à s’impliquer de manière concrètes à chercher des solutions pour résoudre les problèmes que rencontrent les femmes et à restaurer à cette journée sa signification initiale, à savoir une journée de revendication, de bilan et de perspectives Nous recommandons que cette journée soit appelée dans tous les canaux de communication, journée internationale des droits de la femme et non journée internationale de la femme ! » ; précise-t-elle.
FEMINA 237 : un exemple de relais
Annie Tchoko interpelle par la même occasion, les membres de la société civile ; à s’impliquer davantage dans les revendications féministes.
« Nous constatons un manque de volonté politique à apporter des solutions concrètes aux problèmes des femmes et une faible implication de la société civile à jouer le rôle qu’il faut. Peu sont des associations qui se déploient sur le terrain ».
À l’occasion de l’acte 2 de la SEPROF-JEF (Semaine pour la protection de la femme et de la jeune fille), l’initiative Femina 237 met l’accent sur l’éducation et la sensibilisation cette année. Du 06 au 10 mars, l’équipe se déploie dans des lycées, collèges et centres de formation afin sensibiliser les élèves sur la cyber-sexualité et le cyber harcèlement.
Le 8 mars, Femina 237 souhaite célébrer la journée mondiale de la femme autrement en initiant une grande campagne en collaboration avec United 4 cameroon pour inciter les femmes et jeunes filles à s’inscrire sur les listes électorales. Une aubaine selon Annie Tchoko.
« Nous saluons cette initiative de Femina qui est une jeune association basée au Cameroun qui milite pour l’émancipation et l’autonomisation de femmes, qui se déploie sur le terrain pour sensibiliser et former les femmes ; en effet dans le cadre des activités de ce 08 mars 2023, elle va organiser une journée d’inscriptions sur les liste électorales au carrefour Ndokoti afin de permettre aux femmes commerçantes de s’inscrire sur le lieu de leur travail, cette action vise à faciliter la participation citoyenne des femmes dans la gestion de la société ; le droit de vote est l’un des droits fondamentaux et fait partie des combats qu’ ont mené les femmes au 20 siècle et un combat gagné car les femmes peuvent voter au même titre que les hommes mais il reste encore à les sensibiliser sur l’ importance de le faire ».
Notons que le programme de la deuxième édition de la SEPROF-JEF s’étend jusqu’au 31 Mars prochain avec notamment un séminaire de formation gratuit dont les thèmes centraux sont la cybercriminalité ; le cyber-harclèlement et la cyber- sexualité ; un atelier de fabrication de vins à base de fruits naturels ; et une visite aux déplacées du nord-ouest et du sud-ouest pour apporter des présents et des fournitures scolaires à des femmes et jeunes filles.