Le 21 juin 2025 le Djeuga Palace de Yaoundé a servi de cadre à la troisième édition de la Conférence Africaine des Mamans Solos. Une conférence par l’association Héroïnes de l’Ombre sous l’égide de sa fondatrice Marie Joséphine Ngangmo, ce rendez-vous a réuni des femmes venues de plusieurs horizons, venues témoigner, s’écouter, et surtout se reconstruire autour d’un thème crucial : Santé mentale, équilibre de vie et inclusion : redonner du pouvoir aux mamans solos pour une société plus équitable.

Dans une salle imprégnée d’émotion, la promotrice a livré un discours vibrant, puisant dans sa propre histoire, celle d’une mère de trois enfants ayant traversé l’enfer de la violence conjugale et de la précarité. « Après quinze années de coups, de mépris, d’insécurité émotionnelle, il a fallu tout assumer. Seule. La tendresse, la force, la survie. J’ai connu la faim, l’absence d’emploi, les nuits sans sommeil. Et puis un jour, j’ai dit : plus jamais seule », a-t-elle confié.

Ce cri devenu promesse a donné naissance à un mouvement. Les Héroïnes de l’Ombre, ce sont ces milliers de femmes qui, souvent invisibles, élèvent seules leurs enfants et luttent chaque jour pour leur survie émotionnelle, sociale et financière. Ce sont ces mères qui, malgré la fatigue, les jugements et les manques, refusent d’abandonner. À travers cette conférence, Marie Joséphine Ngangmo a voulu offrir un refuge, une plateforme de libération et de vérité. « Nous avons besoin d’un espace où la santé mentale des mères solos n’est pas une option, mais une priorité », a-t-elle martelé.

Le contexte est sans appel. En Afrique, entre 30 et 40 % des familles sont monoparentales, et dans 85 % des cas, la mère en est le chef de famille. Un enfant sur quatre vit aujourd’hui dans un foyer dirigé par une mère seule. Pourtant, ces femmes font face à des défis systémiques : pauvreté endémique, travail informel sans couverture sociale, accès limité aux soins de santé mentale, à la formation ou au crédit. Elles sont souvent rejetées, stigmatisées, ignorées des politiques publiques. L’urgence est donc autant économique que symbolique : reconnaître leur rôle, leur voix, leur pouvoir.

C’est tout le sens de l’action de l’association HER’OM (Héroïnes de l’Ombre et Mamans Solos), dont la vision est de devenir d’ici 2035 la référence africaine en matière d’accompagnement des familles monoparentales. Avec des valeurs d’autonomie, de solidarité et d’intégrité, l’organisation entend former, connecter, équiper 5000 mamans solos. À travers des formations, du mentorat, un plaidoyer institutionnel et des ponts vers le monde entrepreneurial, HER’OM construit un écosystème de soutien durable.

Au-delà des chiffres et des défis, cette conférence a été un moment de réaffirmation identitaire. Un espace où les participantes ont pu dire, souvent pour la première fois : je ne suis plus seule. Un lieu où chacune a été invitée à reprendre la plume de sa propre histoire. « Une maman autonome, c’est une famille qui respire. Une société debout. Une femme épanouie qui devient sujet de sa propre vie », a résumé Marie Joséphine Ngangmo, les larmes mêlées à la lumière.
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L’événement a été marqué par la présence de représentantes institutionnelles, notamment du ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille. Mais les attentes restent fortes. HER’OM appelle à des politiques plus inclusives, à des dispositifs de financement adaptés, à la reconnaissance du statut de cheffe de famille dans les textes comme dans les faits.
Cette conférence n’a pas été un aboutissement, mais une étape. Une voix parmi tant d’autres qui refusent le silence. Une déclaration de résistance portée par des femmes que la société a trop souvent oubliées. Mais qui, debout dans l’ombre, ont décidé de marcher ensemble — vers la lumière.



